vendredi 10 avril 2015

Le cœur c'est pour l'amour

Un grand merci à Jeanne Mercier !
"Je faisais des recherches sur le benzène, au CNRS. Comme n'importe quel corps, ça peut être solide, liquide ou gazeux. Une blouse blanche ? Oui peut-être, je devais en porter une."

Que reste-t-il de ces beaux jours
un texte de Jeanne Mercier, critique et fondatrice d' Afrique In Visu
En regardant ces images, une célèbre chanson ressurgit de ma mémoire : « Que reste-il de nos amours » de Charles Trenet (1942).
« Que reste-t-il de nos amours
Que reste-t-il de ces beaux jours
Une photo, vieille photo
De ma jeunesse
Que reste-t-il des billets doux
Des mois d'avril, des rendez-vous
Un souvenir qui me poursuit
Sans cesse »

"Les poupées, les robes, le tricot, ça me plait. 
Tout ça c'est rangé dans le grenier chez moi là bas.
Les enfants veulent pas que j'y monte. Ma mère tricotait aussi."

A travers ces mises en scènes oniriques, nous plongeons dans un autre temps, celui des beaux jours. Ce sont des morceaux de mémoires, de lointains souvenirs qui poursuivent les personnes photographiées.
Touchante, parfois surréaliste, chaque image livre les bribes d'un souvenir. Comme par magie, les photographes tirent les ficelles et remontent le temps. Le spectateur déambule dans cette galerie de portraits où se côtoient des gestes anodins, des minuscules plaisirs : un cartable rempli de confettis, des multitudes de mappemondes ou encore le rouge à lèvre « rouge baiser ».

"J'étais motard dans la gendarmerie, motard acrobate. À l'occasion des visites officielles, des fêtes, on faisait des démonstrations. On portait des gants et un casque blanc, des lunettes. L'équilibre, c'était très important, on s'entraînait tout le temps."



Je me demande alors quel souvenir surgirait de ma mémoire si les Faux-Amis venaient à ma rencontre : L'odeur du maquis corse et le tarmac de la ville de Calvi, la première fois que j'ai pris l'avion pour retourner chez moi ou encore mon arrivée à Bamako, le son et les couleurs de cette ville. Oh non, plutôt ma photographie préférée ! Mais il y en a tant qu'on devrait recouvrir un mur entier. Ce dont je suis sûre c'est qu'il y serait sûrement question de voyages, d'odeurs et de couleurs.

"Quand je me suis retrouvée enceinte, j'ai préparé le trousseau pour le bébé.
 Mais j'en ai eu deux, des jumeaux ! À l'époque, on ne pouvait pas savoir
 à l'avanceDonc il y en avait un qui était tout nu et on a dû tricoter pendant 
des jours avec ma mère pour rattraper notre retard."

En attendant, je continue de contempler ces histoires délicieuses tout en fredonnant la ritournelle de Monsieur Trenet. J'ai comme l'impression de voyager dans le temps

"Mon mari était garde-chasse. On marchait beaucoup et on faisait 
de grands repas. Il dépeçait un cerf ou une biche, moi je cuisinais. 
Je faisais cuire parfois sept rôtis en même temps, il y avait 40, 
50 personnes. Certains étaient très gourmands, ils se resservaient.
Les bois du cerf étaient tirés au sort."

Les jungles de Calais, un reportage pour Le Monde de Lucie Pastureau

"Fort Galloo est une usine désaffectée. Le lieu a été ouvert par les No Borders (« sans-frontières »), les plus politisés des soutiens aux migrants. Aujourd’hui sous le coup d’un jugement d’expulsion, l’usine se vide un peu plus chaque jour. Quelques artistes y passent encore…"Maryline Baumard

Près de 2 000 migrants vivent aujourd’hui à Calais. Ils stationnent dans la ville en attente d’un passage en Grande-Bretagne, un pays situé hors de l’espace Schengen dont ils rêvent de forcer les frontières, cachés dans un ferry ou un camion.

Alors que la survie de ces migrants repose sur le travail associatif mené à Calais depuis 1999, le gouvernement français a décidé à l’automne dernier d’offrir quelques services dans un centre en périphérie de la ville. Le centre Jules-Ferry ouvre progressivement ses portes, le jour seulement. Pour la nuit, les migrants sont désormais priés de s’installer sur la lande voisine. Dix-huit hectares sans eau, sans sanitaires, dans des abris de fortune. Ainsi va la vie calaisienne des Afghans, Soudanais ou Erythréens… 

Photos : Lucie Pastureau/Hanslucas « Le Monde », textes : Maryline Baumard


"Tioxyde… C’est le nom d’une usine américaine. C’est aussi celui du plus grand camp de la ville de Calais. A Tioxyde, un gymnase abrite depuis plusieurs années les femmes et les enfants. Aujourd’hui tout le monde est parti, de peur d’être violemment expulsé par la police."Maryline Baumard


"Des Erythréens construisent une église. Dans ses locaux le Secours catholique a conservé les objets de culte durant le grand bazar du déménagement. Quand l’église aura ses murs en bâche noire, les associatifs apporteront les objets sacrés. A quelques centaines de mètres, des Afghans construisent, eux, leur mosquée avec les mêmes matériaux."Maryline Baumard


"Derrière, il y a l’autoroute qui mène au tunnel et à la Grande-Bretagne. Surveiller les ralentissements de camions pour tenter sa chance en se cachant au milieu d’un chargement est une des occupations principales du Calaisien d’adoption. Se faire couper les cheveux, c’est déjà croire au futur. Parier qu’une nouvelle vie est possible. "Maryline Baumard.


Un grand merci à Maryline Baumard, Marie Lelièvre, Antonin Lainé et Gabriel Coutagne de l'équipe du Monde. Merci à Wilfrid Estève.